Le bédéiste Michel Rabagliati et le comédien François Létourneau |
Le roman graphique de Michel Rabagliati fut un énorme succès de librairie et l’histoire risque de se répéter au cinéma. Dans Paul à Québec, François Létourneau prête ses traits à Paul, le sympathique alter ego du bédéiste. Discussion avec un créateur et celui qui va faire naître sa création sur grand écran.
Tout le monde aime Paul. C’est désormais une évidence. Le personnage est empathique et jamais compliqué: on l’aime comme on aime l’ami qu’on ne voit pas assez souvent ou le frère qui s’empresse de répondre à l’appel quand on a besoin de lui. Mais surtout, on se reconnaît profondément en lui. «Avec lui, dit Michel Rabagliati, le phénomène d’identification fonctionne à plein régime. Tout le temps, dans les salons du livre, les gens me disent que Paul leur ressemble et qu’ils ont vécu la même vie que lui. Je crois que ce sera pareil pour ce film, qui cherche à rester au plus proche du réel en filmant la famille dans une tonalité intimiste et sans effets spectaculaires. Les gens vont aimer le film s’ils se reconnaissent dedans.»
Pas spécialement amateur de BD, François Létourneau a découvert Paul sous le sapin par un beau Noël du début des années 2000. Pour lui, ce fut pareil: identification immédiate. «Au-delà d’une certaine ressemblance physique, explique-t-il, je me reconnais dans sa vie personnelle – un père de famille en couple depuis longtemps qui a une relation privilégiée avec la ville de Québec et qui est aussi un artiste. Et je suis comblé de pouvoir l’incarner au cinéma, car l’écriture de Michel m’impressionne. Comme auteur au théâtre ou comme scénariste de Série noire, j’arpente des territoires généralement sombres, et le fait que Michel puisse naviguer dans la tendresse et la simplicité avec autant de fluidité, je trouve ça original, génial et profondément humain. C’est jamais racoleur, jamais embourbé dans les effets dramatiques, c’est juste la vie telle qu’elle est et c’est vraiment bien raconté».
Dans Paul à Québec, pourtant, Paul s’efface un peu pour laisser s’animer sa belle-famille, réunie autour du beau-père mourant (Gilbert Sicotte). C’est l’album dans lequel le personnage est le moins présent et, pourtant, c’est celui qui a tout de suite semblé le plus cinématographique à l’équipe de production et au réalisateur François Bouvier, attirés par le touchant portrait de famille et le regard compatissant que Rabagliati leur consent. Aux yeux de Létourneau, «Paul est un gentil, mais il n’est pas mièvre. Il a de la profondeur, il se soucie de son petit monde, il est observateur et c’est un témoin compatissant, mais aussi une sorte de philosophe discret.»
Et de toute façon, précise Rabagliati, «nos vies sont constituées de 90% d’empathie». «Les conflits, même s’ils sont riches dans les œuvres de fiction, nous rendent inconfortables dans la vraie vie et c’est cette vraie vie-là que j’ai toujours eu envie de raconter: la vie normale faite de gentillesse et de considération pour l’autre. Ça m’est déjà arrivé d’essayer d’écrire à partir d’autres sentiments: la rancœur, la méchanceté, la colère, l’indignation, mais chaque fois j’abdique. Ça ne me ressemble pas et je ne sais pas le faire.»
Il a fallu néanmoins adapter le récit pour y remettre Paul à l’avant-plan, tissant entre lui et son beau-père une relation toute fraternelle autant qu’un rapport d’autorité du patriarche envers son gendre. «Gilbert Sicotte a été mon prof à l’école de théâtre, précise Létourneau, et cette relation-là s’est installée tout naturellement entre nous.»
Au cœur du film, un cancer qui soude la famille mais qui fait monter les larmes. Paul à Québec est une œuvre touchante sur la mort et sur la maladie qui use les hommes et les éloigne du monde. «Ce que j’aime particulièrement, dit Létourneau, c’est que jamais Michel et François n’en font un drame existentiel sur l’angoisse de mourir. Roland est en train de mourir, mais ce que ce film raconte, surtout, c’est que la vie continue.»
«On a voulu éviter l’excès de sentimentalisme et de trémolos en favorisant une approche plus lumineuse, poursuit le bédéiste. Et le film cultive aussi un humour tranquille et naturel, jamais agressif. Au début du processus, j’ai été surpris que les producteurs insistent pour raconter cette histoire de fin de vie et d’apprivoisement de la mort. Mais c’est vrai que Paul à Québec, c’est une ode à la vie.»
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